Dernière mise à jour : juin 2023
Sébastien Lemoine
Ostréiculteur à Carnac
« On a dû s’adapter, chacun a trouvé sa technique. »
Sébastien Lemoine est ostréiculteur depuis plus de vingt ans à Carnac, dans le Morbihan. Inquiété par les enjeux environnementaux auxquels doit faire face son secteur d’activité, il n’en croit pas moins en la durabilité de la filière.
Issu d’une famille d’agriculteurs, Sébastien a grandi à 30 km de la mer. Attiré depuis toujours par les milieux de production naturelle, il découvre l’ostréiculture à l’âge de 14 ans, lors d’un stage scolaire. Il découvre alors un écosystème nouveau mais qui lui parle. Il voit l’ostréiculture comme un lien entre la pêche et l’agriculture : on sème pour récolter. L’estran représente pour lui le mariage entre mer et terre, avec un écosystème et une biodiversité particuliers : les eaux du large s’y mélangent avec les eaux douces.
près le lycée, Sébastien suit une formation en aquaculture. Il travaillera pendant 5 ans en tant que salarié dans une ferme ostréicole. Il décide ensuite de s’installer dans le golfe du Morbihan, à Carnac, en 1993, il n’a alors que 24 ans. Sébastien a toujours travaillé seul sur son exploitation qui fournit en moyenne 30 tonnes d’huîtres par an, toutes issues de captage naturel.
Tout comme ses collègues, Sébastien doit faire face depuis plusieurs années aux problèmes de mortalités massives des huîtres, observées en France et ailleurs dans le monde. « On a dû s’adapter, chacun a trouvé sa technique. »
Sébastien, lui, s’est inspiré des pratiques que les Japonais ont mis en place dans les années 60 lorsqu’ils ont rencontré ces mêmes problèmes de mortalité : au printemps, en mars-avril, il pose les naissains plus haut sur l’estran. Ainsi, les naissains sont plus souvent hors de l’eau et moins en contact avec le virus. De plus, ils ont moins accès à la nourriture : ils deviennent plus rustiques, plus résistants.
« En 2008, j’ai eu des mortalités importantes. J’ai testé ces pratiques dès 2009. En 2010, je les ai appliquées à toute ma production. J’ai eu des baisses de volume mais comme il y a eu augmentation des prix, cette adaptation était viable. C’est la profession qui a trouvé la solution. À l’époque, nous avons dû faire sans les scientifiques. »
Les autres enjeux de la production ?
Les écloseries : « elles devraient être juste un soutien à la profession et devraient être gérées par les professionnels, de manière collective. Les naissains issus d’écloserie ne devraient être utilisés que lorsque nécessaire, quand il n’y a pas assez de naissain naturel, mais pas de manière systématique. Sinon, leur présence déstabilise le marché. »
La triploïdie : « c’est une tare naturelle, l’aneuploïdie – qui devrait également être gérée par les professionnels. Son usage devrait être mentionné sur les étiquettes pour informer les consommateurs. »
L’acidification des océans : « il est important de s’en préoccuper. Nous suivons l’évolution du pH depuis plusieurs années. »
Au cours de ces vingt dernières années, Sébastien a assisté à la dégradation du littoral. Il a souhaité que les professionnels se regroupent (agriculteurs, pêcheurs, ostréiculteurs mais également les acteurs du tourisme et de l’urbanisme) afin de reconquérir la qualité des eaux et pouvoir ainsi maintenir les activités du littoral tant convoité.
Il a ainsi créé l’association CAP 2000 dont il est le Président et qui réunit des militants, des lobbyistes et des élus responsables de l’assainissement. Tous travaillent ensemble pour assurer la cohabitation entre habitations et productions aquacoles. Lui-même pêcheur amateur, Sébastien pratique la pêche sous marine et capture des espèces peu prisées par les professionnels : vieille, mulet noir… délicieux lorsqu’il est fumé en filet ! Il se différencie de ses collègues pêcheurs amateurs qui ciblent le bar… espèce particulièrement sensible.